KOCHI : L'INSOLITE AUBERGE JIYU GAKKO

Si le dépaysement était total lorsque nous avions logé dans l'ancienne maison de Kochi, rien ne nous préparait à l'expérience que nous allions vivre les trois jours suivants... Nous avions eu vent qu'il existait une auberge coupée du monde, dans un endroit reculé en bord de mer dans la préfecture de Kochi, qui était aménagée dans une ancienne école. Voilà qui semblait assez insolite pour que l'on choisisse de faire le voyage jusqu'à cet intriguant endroit.

L'ancienne école primaire à été sauvée de l'abandon.

A bord de notre vaillante mémé-chan (notre k-car de location), nous avons donc franchi les montagnes escarpées et traversé les denses forêts du Shikoku pour tenter d'arriver à destination avant la nuit. Le voyage n'a pas été facile, car les routes sont extrêmement étroites et sinueuses, sans compter qu'avec les importants glissements de terrain du début d'été, de nombreuses voies de circulation étaient encore coupées. Il a fallut faire demi-tour plusieurs fois afin d'emprunter des itinéraires bis pas vraiment praticables. Bref, la route jusqu'à l'auberge était déjà une aventure !

C'est un peu la panique lorsque l'on croise un véhicule en sens inverse...

Certaines portions de route s'apparentent davantage à des chemins de terre...

Notre fidèle Suzuki MR Wagon à l'assaut de la campagne profonde de Kochi !

Deux heures avant le coucher du soleil, nous entrons finalement dans le petit village accroché à la falaise qui surplombe l'océan. Les rues sont absolument désertes et silencieuses et l'on se sent ici réellement loin de tout. Notre tentative de premier contact avec une autochtone est un cruel échec. En effet, nous saluons une mamie édentée qui habite une bicoque à côté du parking et elle nous ignore complètement avec un air dédaigneux... Malgré la chaleur, l'ambiance est un peu glaciale et nous ne sommes pas au bout de nos surprises...

Le village ne compte qu'une vingtaine d'habitations.

Ici, on vit entre montagne et océan Pacifique.

Si vous cherchez un coin tranquille, vous êtes au bon endroit !

Voici le port et ses quelques embarcations de pêcheurs.

On accède au village par cette petite route sinueuse.

Il y a bien des maisons, mais personne en vue...

Seul le bruit de la mer perturbe le silence.

L'atmosphère devient vraiment sinistre lorsque l'on découvre que c'est un petit cimetière qui accueille le visiteur à l'entrée de l'auberge. A ce moment, nous commençons à éprouver ce sentiment d'angoisse que les victimes annoncées des films d'horreur ressentent au début de l'histoire. Mais comme dans ces mauvais films, nous décidons tout de même d'entrer dans ce lieu inquiétant que tous nos sens nous supplient de fuir.

Ce pont permet d'accéder au rocher sur lequel l'école a été bâtie.

Suivez ce panneau défraichi si par chance vous avez réussi à le trouver !

C'est au sommet de ce sentier que se trouve un petit sanctuaire et l'entrée de l'auberge.

Les tombes des villageois défunts accueillent le visiteurs...

Semble-t-il que l'on nettoie les tombes à l'aide de ces ustensiles.

On a connu paysage plus accueillant...

Nous sommes accueillis par un homme d'âge mûr portant une courte barbe et des vêtements très simples. Il n'est pas très loquace et à vrai dire, sa coupe de cheveux bizarre complètement en biais me donne le sentiment qu'il n'est pas très sain d'esprit. La situation devient carrément bizarre lorsqu'il nous pose une question et qu'il nous quitte subitement sans écouter la réponse ! Ce drôle de personnage nous fait tout de même la visite des lieux en nous offrant le moins de détails possible : "ici vous pouvez dormir. Ici vous pouvez vous laver. Ici vous viendrez manger plus tard". C'est tout ! Si vous êtes habitués à l'accueil typiquement Japonais, vous allez être un peu désorienté ce qui est totalement notre cas !

Voici donc l'ancienne école primaire du village.

Difficile de croire que nous sommes toujours au Japon !

L'endroit est très agréable et invite à la méditation.

Cet immense et majestueux arbre trône au milieu du jardin.

Les portes ne sont jamais fermées.

Le lieu est propice aux activités artistiques.

Cette intimidante statue accueille les clients.

Vous pouvez jouer quelques notes sur le piano si le cœur vous en dit.

Ici, le plan illustré de l'auberge.

Voilà le genre de voisins de chambrée que vous rencontrerez sans aucun doute durant votre séjour.

Les Funa Mushi sont repoussants mais pas  bien méchants.

Ces petits crabes rouges se blottissent dans tous les interstices du jardin mais aussi de la maison !

Ce criquet de bonne taille faisait office de gardien à l'entrée de notre chambre.

Bien sûr, quelques araignées trainent dans les parages...

Autrefois, les enfants entraient en classe par ce couloir.

Les anciennes salles de classe font aujourd'hui office de chambre pour les clients.

Parfois, on jurerait entendre les cris des enfants surgir du passé !

A l'intérieur, rien n'as été transformé ou presque.

Une fois la nuit tombée, on se déplace en s'éclairant de lampe à alcool.

L'ambiance dans l'auberge est très spéciale et offre une fort sentiment de nostalgie.

Nous retournons à la voiture pour récupérer nos affaires et la question se pose alors : est-ce qu'on reste la nuit ici ou est-ce que l'on prend la fuite sans demander notre reste ? D'autan que visiblement, nous sommes les uniques clients de l'auberge... C'est à ce moment qu'une voiture vient se garer à côté de la nôtre. Un jeune couple coquet en descend et se dirige vers l'auberge. Nous sommes rassurés de ne pas être les seules victimes potentielles ce qui nous donne un peu de courage et nous décidons de rester. Hélas, rebutés par les conditions spartiates de l'endroit, ces jeunes gens venus de la ville vont choisir une solution différente de la nôtre, à savoir remonter fissa dans leur auto et filer à l'anglaise !

Nous découvrons alors notre chambre qui n'est autre qu'une salle de classe de l'ancien temps. Le tableau noir à même été conservé sur le mur. Les lit sont rudimentaires, comme ceux que l'on trouve dans les camps de vacances. Notre hôte nous recommande d'installer des moustiquaires. A vrai dire, il ne nous laisse pas le choix en se mettant en tête de le faire lui-même, ce qui prendra une éternité avec ses gestes d'une extrême lenteur. Visiblement, cet homme ne connait pas le stress et sa tension n'a pas l'air bien élevée ! Plus tard, nous comprendrons que les filets ne bloquent pas seulement les assauts des moustiques mais de tout un bestiaire effrayant !

Nous occupons la chambre au fond du couloir.

Les vieux panneaux de bois ont été conservés. Ici, la bibliothèque.

Les chambres sont très basiques mais chaleureuses.

Ce n'est pas tous les jours que l'on peut loger dans une ancienne salle de classe !

Même le tableau noir est encore là !

La leçon du jour est écrite sur le tableau.

Les anciens manuels n'ont pas bougés non plus.

Nos compagnons de voyage Benza-kun et Cul-chan sont là aussi !

La moustiquaire repousse les envahisseurs autant qu'elle les retient...

Des prises électriques sont disponibles, mais pas pour la lumière !

Les familles peuvent loger dans des salles plus spacieuses.

On dort ici sur les futons disposés sur les tatamis.

Un peu plus tard, nous sommes conviés au diner dans une salle à manger d'extérieur. Nous prenons place sur une petite terrasse et notre malaise se dissipe un peu : d'ici, la vue sur l'océan et le coucher de soleil est magnifique. Nous réalisons que nous sommes privilégiés de pouvoir visiter un tel coin de paradis. C'est alors que nous apercevons pour la première fois depuis notre arrivée la femme de notre étrange hôte. Tout à fait en accord avec son mari, c'est à dire vêtu du minimum et partageant ses préférences en matière de coupe de cheveux excentriques (une teinture violette dans le cas précis), celle-ci nous salue très timidement avant de se mettre aux fourneaux. Cette femme sera tellement discrète tout le long du séjour que si nous n'avions pas eu une discussion avec elle avant notre départ, j'aurai presque cru qu'elle n'existait que dans mon imagination ou qu'elle n'était finalement qu'un fantôme ! Néanmoins, ses talents de cordon bleu nous ont subjugué tellement le repas était divin !

Voici le messe où l'on prend les repas.

La cuisine d'extérieur est très bien équipée.

Les tables sont pourvues d'une partie creuse pour faire les barbecues.

Le diner est servi sur cette terrasse d'où l'on aperçoit l'océan Pacifique.

La cuisine est légère et savoureuse, quel délice !

On termine le repas lorsque le soleil se couche derrière les montagnes de l'île de Shikoku.

La tombée de la nuit offre un tout petit peu de fraicheur fort bienvenue.

Rassasiés et parce qu'il n'y a pas grand-chose à faire d'autre dans le coin, nous rejoignons notre chambre pour nous reposer. Le parcours dans les couloirs de l'école se fait avec des lanternes à alcool puisqu'il n'y a pas d'éclairage électrique : ambiance garantie !

Un moment après, alors qu'une musique extrêmement inquiétante nous parvient aux oreilles (une suite anarchique de notes de piano pas du tout harmonieuse !), nous sentons une présence à l'entrée de la chambre. Nous sursautons en apercevant l'homme patientant en silence dans l'encadrement de la porte, son visage faiblement éclairé par la lueur de sa lanterne. Depuis combien de temps est-il là ? Nous lui demandons ce qu'il veut et il nous répond à quelques nuances près :

"Désirez-vous venir dans ma chambre pour regarder un film ? Vous êtes français n'est-ce pas ? C'est intéressant pour vous, cela raconte une vieille histoire de la folie mentale d'un danseur classique français que la dépression pousse au suicide".

Interloqués, nous déclinons l'invitation et nous glissons dans les lits, très inquiets de savoir si cette nuit sera notre dernière et en tentant d'ignorer les milliers de bestioles qui grouillent tout autour de nous dans les ténèbres...

Dans les ténèbres, la lampe est votre seule amie.

Au petit matin, nous sommes sortis du lit par la chaleur déjà intolérable et les moustiques emprisonnés à l'intérieur de la moustiquaire, rendant l'accessoire complètement inutile car offrant une prestation inverse de celle de pourquoi il est conçu. De plus, le lit est un peu ferme et nous n'avons pas très bien dormi pour des raisons évidentes de sentiment de haute insécurité. Mais le soleil et les reflets sur la mer bleue azur réchauffent l'atmosphère et à partir de ce moment, tout va grandement s'améliorer. Déjà, le petit déjeuner est incroyablement délicieux, avec des fruits ultra-frais et du pain fait maison encore chaud dont la saveur nous marquera à jamais ! Ensuite, avec la météo clémente, les lieux semblent beaucoup plus amicaux même si nos hôtes, eux, sont fidèles à eux-mêmes et toujours très distants. En vérité, c'est certainement un trait de leur caractère mais aussi une volonté de laisser les visiteurs tranquilles, ces derniers étant désireux de passer un paisible moment de détente loin du quotidien. 

Quel bonheur de prendre le petit déjeuner en plein air !

Café, thé et autres boissons sont disponibles en libre-service.

Côté océan ou côté jardin, choisissez le décor que vous désirez contempler.

Certains moustiques ne sont pas encore couchés le jour venu !

C'est sur cette terrasse que la journée de rêve commence !

Le petit déjeuner est servi !

Ce pain tout chaud vous laissera un souvenir gustatif impérissable !

Kochi est une région du Japon connue pour sa production de fruits.

Les plats offrent les vitamines nécessaires à une bonne journée d'exploration !

Nous filons sous la douche accompagnés par une ribambelle de petits crabes qui se cachent sous les rochers à notre passage. Encore une fois, le dépaysement est garanti. On se sert des antiques lavabos et cabinets de toilettes que les jeunes pensionnaires utilisaient jadis, offrant un véritable retour dans le passé. Moi-même ayant côtoyé une vieille école étant enfant, ces lieux me remplissent de nostalgie.

Cette cabane abrite une baignoire à l'ancienne.

Les petits crabes sont toujours cachés quelque-part et suivent vos déplacements dans l'école.

La salle de bain est rustique mais bien équipée.

On peut même prendre une douche !

Regardez un peu la couleur de la mer en contrebas !

Les gamins se lavaient les mains ici autrefois.

La robinetterie est d'époque !

Se laver en plein air, c'est un retour à la vie simple.

Les latrines n'ont pas été remplacées et c'est tant mieux !

Les cabinets sont dotés de porte de bois, comme avant !

On peut utiliser ces mules pour se déplacer dans l'auberge.

Les japonais d'un certain âge ont forcément connus les toilettes de ce type.

Pas de siège de toilettes high-tech ici mais une cuvette typiquement japonaise !

Après une journée à la plage (que je détaillerais plus tard dans un sujet dédié), nous sommes de retour à l'auberge en fin d'après-midi et découvrons avec une immense joie et non sans un certain soulagement que d'autres clients sont arrivés ! Trois familles et toute la marmaille qui va avec ont littéralement envahis les lieux : les enfants cris et courent dans tous les sens, capturent d'horribles insectes, laissent trainer leurs chaussures partout... Il y a maintenant tellement de vie dans l'école qui paraissait si sinistre la vieille ! L'ambiance est chaleureuse et nous apprécions un barbecue en extérieur avec ces nouveaux pensionnaires qui sont, par le plus grand des hasard, originaires de la même ville que nous à Kagawa !

Le barbecue du soir s'apprécie seul ou se partage avec les autres clients.

Bienvenue dans le pays des merveilles culinaires !

Nous contemplons un moment les étoiles et passons une nuit paisible dans cette auberge décidément bien différente de toutes les autres. Finalement, c'est avec une pointe de tristesse que nous quittons les lieux le lendemain matin, en route vers de nouvelles aventures palpitantes dans le Shikoku !

Chaque jour, le petit déjeuner est un peu différent mais toujours délicieux !

Cette famille de clients était très sympa ! Le fils d'une douzaine d'années est DJ professionnel et écoutait de la musique sur un Walkman à cassette !

J'ai été initié au bilboquet que l'on appelle au Japon le Kendama.

Vous l'aurez compris, ce récit est peu romancé afin de décrire notre ressenti sur ce séjour insolite. Toutefois, tout s'est exactement passé comme je l'ai raconté, c'était assez fou !
Les hôtes de l'auberge Jiyu Gakko ne sont pas des gens follement chaleureux mais sont très amicaux et serviables. Je pense réellement qu'ils s'effacent volontairement pour que les clients puissent jouir des lieux en totale immersion et apprécier la quiétude de l'endroit. Nous avons un peu discuté avec eux avant le départ, et nous avons compris leur volonté de s'offrir un mode de vie différent, en marge de la société, chose dont nous sommes devenus un peu jaloux il est vrai. Aussi, le couple joui d'une certaine renommée dans le milieu artistique nippon, notamment grâce aux réalisations à base de crayon de bois géant comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Chitose Noguchi, la propriétaire, est une artiste reconnue.

Que l'on soit amateur d'art ou non, ces crayons géants impressionnent.

L'oeuvre donne des couleurs et une touche d'insolite au jardin.

A terme, la composition devrait être visible depuis Google Maps.

Quoi qu'il en soit, si vous désirez vivre un séjour différent et loin des petites habitudes, c'est l'endroit rêvé. L'ancienne école est un lieu chargé d'histoire et d'émotion et pouvoir y séjourner est une expérience unique et particulièrement enrichissante. De plus, la nourriture y est absolument succulente et la nature environnante invite à l'exploration et la méditation. Si au départ la palette de bestioles effrayantes qui habitent chaque recoin de la bâtisse nous à clairement tourmenté, nous nous sommes vite habitué à cohabiter avec ces petits voisins bien inoffensifs et appris à les connaitre ce qui s'avéra parfaitement passionnant !

Alors est-ce que nous retournerons à l'avenir passer un moment à l'auberge Jiyu Gakko ? Sans aucune hésitation !


Jiyu Gakko - 自遊学校





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